Laha, petit village situé en face de Kota Ambon (Moluques), abrite pas moins de trois centres de plongée. C’est dire si l’endroit est prisé des plongeurs et la réputation de cette baie où l’on ne vient que pour « le petit » ne fait que croitre depuis quelques années. C’est avec le club Blue-Motion que nous découvert la richesse de la faune sous-marine de cette baie.
Comme dans la gastronomie où les régions se distinguent par leurs spécialités culinaires, le monde de la muck-dive a ses particularités. A Lembeh, nous avions pu découvrir différentes espèces de pieuvres (coconut octopus, blue ring octopus, mimic octopus …) quasiment à la carte. Ici, aux Molluques, il y a le « Ambon scorpion-fish » (que l’on trouve d’ailleurs dans d’autres endroits) et depuis peu le « Psychedelic Frogfish » (espèce endémique que nous n’avons pas vu…).
Au-delà de ces « particularités » notoires, c’est surtout la concentration et la variété des espèces rencontrées qui font la réputation de cette baie :
– Le poisson rhinopias :
S’il semble se cacher des plongeurs qui tels des paparazzis pistent le scoop, nous avons eu la chace de rencontrer plusieurs congénères de cette famille étrange : le « Paddle-flap scorpionfish » (Rhinopias eschmeyeri) et le non moins étrange « Weedy Scorpionfish » (Rhinopias frondosa) qui se décline en plusieurs coloris : rose, vert, pourpre …. En dénicher un est un exploit car les spécimens sont rares. Notre guide, Ari (surnommée Arinopiace!) n’avait pas son pareil pour les trouver!
– Autre spécialité du coin très prisée : les frogfish.
Ces poissons crapauds rampent sur le sable et sont vraiment rigolos à observer : plantés sur leurs pattes, ils attendent la venue de petits poissons qu’ils attrapent grâce à la grande épine qu’ils agitent, tel un leurre au-dessus de leur tête. N’oublions pas qu’ils font partie de la famille des « anthénaires » ! Parfois ils « décollent » de leur base pour se poser quelques centimètres plus loin. Mais au bout du compte, ils bougent et, d’une plongée sur l’autre, on n’est pas sûr de les retrouver. Petits, gros, oranges, bruns, marrons, noirs … ils se fondent dans leur habitat et seuls des yeux exercés peuvent différencier une éponge de ce poisson-crapaud de mêmes couleurs.
Pendant 10 jours nous avons scruté les fonds de cette portion de la baie de Ambon (Laha 1 – Laha 2 – Laha 3 …), nous sommes allés « faire les poubelles » sous le port (Twighlight Zone) où, au milieu de détritus les plus variés, nous avons trouvé des poissons fantômes « velours » ou « épineux » , des poissons-pierre d’estuaire, des poissons scorpions diable, de nombreuses murènes à œil blanc ou étoilées, des mandarins visibles en plein jour, des hippocampes, des crevettes mantis, des crevettes arlequins avec leurs bébés qui nous ont ravis et autres espèces dont voici quelques spécimens…
Un monde étonnement coloré de jour comme de nuit où, pour la première fois nous avons admiré une danseuse espagnole avec sa magnifique robe rose, des seiches flamboyantes violettes et jaunes ou un Cat shark qui a jailli sous la lumière de nos lampes.
Avril 2014 – Voici une semaine que nous sommes à Banda Neira et, si il y a un ustensile que nous n’avons pas prévu dans nos bagages, c’est le parapluie. Même le poisson crapaud que nous trouvons au pied de notre chambre ne nous donne pas les prévisions météo!
Effet de l’équateur, le temps est changeant et le ciel passe en quelques minutes de bleu à noir, chargé de lourds nuages qui crèvent en des pluies torrentielles d’une force incroyable. Et cela peut durer …
Apparemment, la saison sèche n’est pas encore là !
Cela fait la joie des enfants qui sautent en criant sous l’eau, improvisent des jeux de glissade sur l’herbe mouillée ou sur le carrelage.
Dans la rue les échoppes abattent une bâche plastique en attendant que ça passe.
Quant à nous, quitte à être sous l’eau, autant y aller franchement. Nous enfilons nos blocs et rendons visite aux poissons.
Ces jours là, on met l’objectif macro et allons sur les sites « muck-dive » où, malgré un manque de luminosité, notre guide Toby n’a pas son pareil pour dénicher les « little stuff », crevettes, crabes, nudibranches et autres minuscules choses n’échappant pas à son œil exercé et acéré.
Nous irons plonger sur les tombants où la visibilité peut atteindre 50 m quand le soleil semblera s’installer pour quelques heures.
Là, nous nous immergerons dans « le bleu des Banda »…
Black sand *, nom d’une plongée dans le détroit de Lembeh qui résume à lui seul la caractéristique principale de la plupart des sites de Lembeh, à savoir le sable noir. On pourrait y ajouter : visibilité souvent inférieure à 10 m, plongées peu profonde, détritus en tout genre et …. une surprise par minute (voir « la moisson de Lembeh »).
Le temps d’arriver à un mètre du fond, invariablement la même question revient : « mais, qu’est ce qu’on fait là ? ». Masque contre le sable (enfin presque), palmes en l’air et palmage en « grenouille » afin d’éviter de soulever cette poussière fine qui réduirait la visibilité à 0, lampe allumée, on regarde, on ne voit rien, à part quelques algues qui donnent une tache de couleur dans cet univers sombre, une anémone perdue au milieu de nulle part, une vieille chaussure et quelques déchets tombés d’un bateau …
Puis, nos yeux s’habituent, nous réalisons que derrière la basket se cache une « rascasse ennemie » (tellement peu appétissantes que je les ai surnommées « hugly »), nous distinguons un poisson fantôme, apercevons un gobie qui à l’aide d’une crevette creuse inlassablement un trou (la crevette faisant office de « déblayeuse »)…
Les couleurs vives d’une crevette mantis pointant ses antennes attire notre regard : avec ses yeux toujours en mouvement, elle semble nous défier … Elle sort de son trou, va derrière un morceau de bambou, pointe à nouveau ses antennes … Jeu de cache cache, « je sais que tu m’as vue, mais là, je me cache … ah! tu es encore là ».
Quelques photos, presque faciles… On lève la tête et dans notre champ de vision apparait un poisson flûte confortablement installé sur une raie pastenague… et puis, plus rien ….
Notre guide s’est éloigné, on ne le voit plus …. mais on l’entend … un halo de lumière transperce l’eau. Il vient de dénicher un poulpe qui a choisi comme habitat … une bouteille sans doute tombée d’un des nombreux bateaux qui sillonnent le détroit …
Demain, ce poulpe-coco (tel est son nom), ira trouver refuge dans une noix de coco ou dans tout autre receptacle dans lequel il pourra se cacher. Quelques mètres plus loin voici un hippocampe orange se laisse bercer par le va-et-vient du courant, un dragonnet se détache du fond gris grâce à ses écailles bleues, une flabelline rose fushia se balance tranquillement sur une algue. Cela n’arrête pas. Les flash crépitent… de vraies stars!
Attention aux batteries qui se vident, à la buée qui commence à se former. Gardons un peu d’énergie pour ce magnifique poisson-lime que nous n’avions jamais vu.
Le temps d’amorcer la remontée, deux poissons crapaud plantés sur leurs nageoires semblent nous attendre.
85′ … on remonte. Dans deux heures, on recommencera, 300 m plus loin, encore du sable gris noir où d’autres surprises nous attendent.
* Très étonnement, cette plongée se nomme aussi « Rojos » ce qui, vérification faite, veut dire « Rouge » en espagnol.
Alor, à l’extrême Est de l’archipel de Flores (Indonésie)
Les 15 jours que nous avons passés à l’Eco Resort de plongée Alor Divers sur l’île de Pentar (Archipel d’Alor) ont été au-delà de tout ce que nous avions imaginé : 7 bungalows cosys enfouis dans les arbres, distants de quelques mètres d’une grande plage de sable blanc, des spots de plongée qui vont se révéler surprenants, variés, colorés …. et surtout pas un bruit ! Quel luxe !
Vue sur les bungalows de Alor Divers (Indonésie)
Une pirogue à balancier permet de rejoindre le bateau à moteur ancré à une centaine de mètres du bord et, pour accentuer cette sensation d’être au « bout du monde », loin de toute civilisation, pas de journaux, pas d’infos, pas de cancans, pas de nouvelles, un réseau téléphonique succinct, une connexion internet pour l’instant très aléatoire … Avouons-le, cela ne nous a pas manqué ! Certes, nous comptions sur internet pour finaliser les derniers détails de la suite de notre voyage et faire des transactions bancaires (sans compter la banque qui ne comprend pas que nous ayons quelques difficultés à envoyer un fax ou autre document), notre famille qui attend des nouvelles, des photos, le blog qui reste en rade, la newsletter qui ne partira pas…. Pas de connexion? Tant pis, on s’en passera et, que les plus férus de nouvelles technologies soient rassurés, Pantar devrait être relié à la toile d’ici quelques mois.
Alors, nos préoccupations se sont cantonnées à se renseigner sur l’heure des marées, le sens et la force du courant, l’heure et le lieu de la prochaine plongée …. Irons-nous plonger sur le sable à la recherche de créatures étranges comme le poisson scorpion rhinopias, le poisson fantôme, le poisson crapaud, les hippocampes, les crevettes et crabes de toutes sortes …. ou, va-t-on se laisser dériver sur des tombants couverts de gigantesques éponges barriques, d’anémones, de crinoïdes, de gorgones multicolores, de corail fouet, de coraux mous ou durs où l’on trouve une faune aussi diverse que variée …. Grave question métaphysique !
Pseudocerus bifurcus (ver flat – Alor Islands)
Nudibranche Nembrotha rutilans et flabelilna exoptata (Alor Islands)
Car, avec une vingtaine de spots situés dans le détroit de Alor accessibles en moins d’1/2 h, le house-reef que l’on peut explorer à volonté, il y a l’embarras du choix. Gilles, qui connait tous ces endroits comme sa poche, s’est fait un malin plaisir de nous les faire découvrir. Il n’y a qu’à se laisser porter.
Sites de plongée à Alor Islands (Alor Divers)
C’est sans doute là que nous avons vu les tombants les plus colorés et les plongées sur le sable black, gris voire rose, nous ont réservés de belles surprises: pour exemple, le jour où, pendant que l’un de nous photographiait un joli crabe de corail (moins d’un cm), il se déroulait une bagarre étonnante entre deux gost pipe fish alors qu’un troupeau de mobulas (petites raies mantas) tournait au-dessus de nos têtes …
Lutte entre 2 poissons fantômes (Alor Islands – Indonésie)
Ne parlons pas du jour où nous contemplions des « sea-apple » (un animal de la famille des oursins qui nous était totalement inconnu), un violent courant s’est levé nous obligeant à nous accrocher pendant 10 minutes au corail avant de pouvoir regagner la surface. Waooh ….
Pendant 15 jours nous avons plongé et replongé depuis le bateau, depuis la plage, le matin très tôt, au coucher du soleil ou de nuit, nous avons profité de ce silence et de cet environnement simple et sauvage, nous avons savouré la cuisine de Lenya mitonnée subtilement avec légumes, poissons, herbes et épices fournis par le village (dont l’étonnante mangue-coco un fruit endémique de la région), nous nous sommes baignés et avons barboté en compagnie du rire des filles de Gilles et Lenya.
Le Temukira, un des bateau de la flotte de Grand Komodo (Indonésie)
Et puis, au matin du 15ème jour, un bateau pointe son nez dans la baie, nous mettons toutes nos affaires de plongées dans une caisse et, c’est en maillot de bain que nous montons dans la pirogue qui nous conduira directement sur le Temukira avec qui nous effectuerons la traversée de la mer de Banda et rejoindre 15 jours plus tard Sorong (Papouasie Nouvelle-Guinée) ….
La grande découverte de ce voyage est incontestablement ce que l’on nomme la « muck-dive » (littéralement « plongée fumier »). Plongées poubelles, plongées sur le sable, finalement la muck-dive désigne tous les sites où la macro est privilégiée. On nous avait prévenus, l’Indonésie est le royaume du petit, du petit hors du commun, là où abonde une variété d’espèces minuscules, toutes aussi étranges les unes que les autres.
Royaume du petit, mais également du mimétisme, car, se fondre dans l’environnement semble être une règle de survie. Pour exemple, ces gosth-pipe fish (poissons fantôme) qui prennent la couleur de la crinoïde dans laquelle ils se nichent, les hippocampes pygmées, difficiles à trouver tant ils se confondent avec le « grain » de leur gorgone,
ces poissons feuilles qui imitent à la perfection la couleur, la forme et le mouvement d’une feuille qui serait bercée dans la houle.
Il y a le crabe décorateur qui, caché sous une anémone semble avoir revêtu une tenue de carnaval ou encore cet autre qui a élu domicile sous une éponge
il y a le poisson grenouille dont il est difficile de cerner la bouche et les yeux et qui semble ramper plutôt que nager …
Parfois, seule une petite vibration dans l’eau permet de déceler la présence d’une vie et partout, ce sont des créatures étranges que l’on a souvent du mal à discerner ….
Poisson-démon, poisson-ange, lièvre de mer, poisson-vache, fantômes, dragonnet, poissons-rasoirs, poisson-grenouille (ou poisson-crapaud), poisson-feuille, apogons, mandarins, scorpions chevelus, feuille-scorpion, poisson-chat, poisson crocodile, …. autant de dénominations imagées pour ces petites créatures qui semblent venir d’autres sphères, d’autres temps. De jour comme de nuit, chaque grain de sable, algue ou rocaille peut révéler des formes et des couleurs étonnantes et nous n’en avons sans doute perçu qu’une toute petite portion: il faudra revenir, et pour plus de temps, prendre et reprendre des photos …. on s’en lasse pas!
Ces plongées macro, nous y avions goûté à Bali, nous les avons dévorées à pleines dents dans le Nord Sulawesi, principalement dans le détroit de Lembeh, réputé pour ses muck-dives: nous ne plongeons plus pareil, la découverte de cette faune imperceptible oblige à regarder différemment l’environnement. Tant mieux!